vendredi 19 août 2016

SUITE DE L'INTERVIEW PARUE SUR "BANDE DESSINEE INFO" : LE JUGE

Olivier Berlion (Le Juge - La République assassinée) : "J’ai découvert le combat exemplaire d’un homme au service de la vérité"

Dans les années 1970, un drame judiciaire a bouleversé l’opinion publique, il s’agit de l’assassinat mystérieux du juge François Renaud. Ce fait divers énigmatique n’est toujours pas élucidé de nos jours malgré l’audition de dizaines de témoins. Olivier Berlion a choisi de raconter l’histoire du premier magistrat tué sous la Cinquième République et il a choisi Bande Dessinée Info pour nous en apprendre plus sur cet ambitieux projet.
 
Votre passé lyonnais vous a-t-il poussé à raconter ce fait divers ?
Olivier Berlion : Oui, car j’ai vécu une grande partie de ma vie dans cette ville et ces faits ce sont déroulés au cours de mon enfance. Mais j’étais plutôt passé à côté sans vraiment approfondir le sujet. Et puis m’ont père m’a raconté, il y a quelques années, qu’il avait joué au rugby au début des années 60 avec celui qui fut déclaré « assassin présumé » du juge Renaud. Mon père l’avait perdu de vue après que celui-ci ait glissé peu à peu vers le banditisme. Il a appris sa mort, comme tout le monde en 76 au cours d’une tentative d’arrestation musclée sur laquelle de nombreux doutes planent encore. Toujours est-il qu’après cette mort, l’enquête sur la mort du juge Renaud s’est arrêtée.
Cette histoire m’a interpellé et je me suis plongé dedans. Mon choix a été de me mettre derrière le point de vue du juge et de retranscrire ses dernières années le plus justement possible.
 
 
Ce fait divers vous a marqué semble-t-il, d’où la nécessité d’en parler ?
Olivier Berlion : Ce n’est pas un fait divers. François Renaud était premier juge d’instruction à Lyon et il a été abattu dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, bien qu’on ait toujours essayé de faire croire le contraire... Un mari jaloux, un voyou revanchard... mais ces thèses rocambolesques ne tiennent pas une minute lorsqu’on analyse les faits sérieusement.
En consultant tout ce qui avait été écrit sur cette affaire, j’ai découvert le combat exemplaire d’un homme au service de la vérité, l’essence de son métier. Et la vérité sur sa mort, elle, n’a jamais été faite. C’est une faillite judiciaire hallucinante. Maintenant les faits sont prescrits et plus personne ne peut être inquiété.
Ce qu’on pourra découvrir en lisant la reconstitution que je fais de ses dernières années jusqu’à son assassinat, c’est que ce qu’il cherchait à élucider était un tabou absolu, à savoir que peut-être des hommes proches du pouvoir étaient en collusion avec des braqueurs de banques, pour financer des campagnes électorales. On ne saura jamais s’il avait raison, mais le doute persiste malgré toutes les tentatives, depuis, pour tenter de justifier sa mort en mettant en cause sa vie privée, son côté provocateur, etc...
Ne fut-il pas difficile de rendre ce personnage bien réel comme un personnage de BD à part entière ?
Olivier Berlion : Le juge est déjà un héros de BD par son caractère et les valeurs qu’il défend. Il a un passé très intéressant et il ne possède pas l’image d’un juge telle qu’on l’entend. C’est un homme qui aime la vie et les femmes et son passé de résistant de la première heure lui confère une dimension héroïque indiscutable. Mais ce qui fait de lui un personnage unique c’est son courage face au milieu et sa recherche de la vérité quoi qu’il arrive. Enfin, même lors de son meurtre, il fait preuve d’une témérité à tout épreuve qui prouve qu’il est un sacré bonhomme.
 
Ce fait divers étant un peu daté, n’avez-vous pas eu peur que le public ne sois pas au rendez-vous ?
Olivier Berlion : Je ne me pose pas la question, pour être honnête, l’important à mes yeux est d’être sincère lorsqu’on parle d’un sujet. Pour cette série je me suis énormément documenté, j’ai mangé et dormi avec le juge afin que mon intrique soit la plus aboutie possible.
 
Avez-vous beaucoup travaillé avec le fils du juge Renaud pour réaliser cette série ?
Olivier Berlion : Ma collaboration avec lui fut assez courte car je voulais faire mon œuvre et ne pas retranscrire le point de vue du fils sur la mort de son père. J’ai choisi de le contacter pour l’avertir de mon souhait de faire un album sur son père. Il est le seul de l’entourage du juge que j’ai contacté, ma démarche l’a touché. Il a pu apporter des anecdotes intimes, mais il n’est pas intervenu sur la structure de l’histoire. D’ailleurs, il m’a confié qu’après avoir lu l’album, il avait retrouvé le père qu’il avait connu, ce qui est pour moi une réussite.
 
Le fait de choisir de centrer l’histoire sur l’homme et non sur le personnage permet-il d’aborder l’histoire différemment ?
Olivier Berlion : J’ai perçu à travers mes recherches de documentation que c’était un mec bien, et j’avais envie de faire un travail de réhabilitation pour ceux qui l’ont connu et aimé. Une de mes motivations, c’est ma perception de l’histoire sur cette affaire. Et comme l’histoire n’a pas retenu la même chose, il me fallait en parler.
Le second challenge était de ne pas commettre d’erreur chronologique, même pour les parties romancées. J’ai tenu à ce que ce soit crédible. Les retours des personnes ayant bien connu l’affaire sont bons, ce qui apporte de la crédibilité à mon travail sur ce scandale judiciaire.

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